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L’intimité écorchée

par Leah Carson

« C’est le cancer, avait dit Ben, mon mari, sur la boîte vocale de mon bureau. Je devrai probablement me faire opérer. Le risque d’incontinence temporaire est de 95 % et celui de dysfonction érectile peut être élevé, selon le type d’intervention. En me faisant opérer, j’ai 85 % de chances de guérir. ». Mon mari croyait à la droiture, mais cette fois, il s’était surpassé. Même si je travaille dans la domaine de la santé depuis plusieurs années, rien dans ma carrière ne m’avait préparée aux émotions qui m’envahissaient. Je craignais pour la survie de mon mari. Je l’imaginais souffrir physiquement et moralement. Je me posais une foule de questions sur notre avenir. Comment allions-nous faire pour supporter les conséquences de cette pénible expérience?

Ben a subi une prostatectomie radicale, la chirurgie offrant les meilleures chances de guérison. Parallèlement, si jamais le cancer était récurent, Ben aurait d’autres options, telles la radiothérapie ou l’hormonothérapie.

Pour mieux me préparer, j’ai lu énormément sur le sujet et j’ai discuté avec des experts. À mon travail à l’hôpital, j’ai le privilège d’être entourée d’une solide équipe de collègues qui sont devenus des amis. En apprenant la nouvelle, un psychiatre m’a dit : « Ce ne sera pas facile, vous aurez besoin d’utiliser au maximum toutes vos facultés d’adaptation. ». Et, effectivement, ces paroles se sont avérées justes.

J’ai consulté deux infirmières cliniciennes très compétentes du Service d’Urologie pour tenter de comprendre la signification de la dysfonction érectile. J’ai appris que les dommages aux nerfs et aux tissus sont pratiquement inévitables lors d’une prostatectomie radicale. Bien que les chirurgiens tentent d’éliminer le cancer en épargnant le plus possible les nerfs, le processus de régénération nerveuse en cas de dysfonction érectile peut prendre jusqu’à deux ans. J’ai commencé à réaliser qu’il s’agissait d’un long processus lié à bien des incertitudes. Les infirmières m’ont expliqué que les hommes pouvaient avoir un orgasme sans avoir d’érection. Cette information m’a beaucoup soulagée : nous pouvions être bien et éprouver du plaisir ensemble. Nous n’avions pas à rayer cet aspect de notre vie. Pourquoi fallait-il attendre d’avoir 50 ans pour apprendre une telle chose? Il est vrai qu’à l’âge de la puberté on nous propose un modèle de sexualité unique et, bien sûr, avec la fougue de l’adolescence, on y adhère. Cela devient notre point de référence et on tente continuellement d’être à la hauteur. Aujourd’hui, je crois qu’il existe plusieurs modèles de vie sexuelle.

Le cancer de la prostate est une maladie d’homme, mais j’ai réalisé que c’était aussi une expérience de couple. La récupération physique après la chirurgie n’était qu’une première étape. L’incontinence et la dysfonction érectile pouvaient comporter des effets dévastateurs. J’avais lu de nombreux témoignages et des rapports de recherche. Un grand nombre d’hommes se sentent dévalorisés et dépressifs, et ils éprouvent un sentiment d’insécurité sur le plan sexuel. Leur qualité de vie diminue. Les histoires révèlent souvent la solitude qui existe entre l’homme et sa partenaire, chacun engagé dans sa propre lutte. Quant à moi, je voulais préserver la joie de vivre que mon mari insuffle dans chacun de ses projets. Ben avait obtenu trois mois de congé. J’ai décidé d’arrêter de travailler en même temps pour l’aider à traverser cette période difficile.

En repensant à notre expérience, je la divise en trois phases. Les deux premières sont relativement courtes : il y a la crise provoquée par l’annonce du diagnostic et les décisions à prendre concernant les traitements. Dans notre cas, la chirurgie a fait partie de la deuxième phase; la récupération physique a été d’environ trois mois. Quant à la dernière phase, elle est sans limites. C’est un long chemin vers la guérison, où l’on tente de retrouver un sentiment de plénitude comme individu et comme couple. C’est là où réside le plus gros du travail.

Peu à peu, durant cette troisième phase, Ben, le « patient », a cessé d’être le centre de nos préoccupations et nous avons plutôt examiné les besoins de notre couple pour tenter de trouver un certain équilibre. La maladie ébranle vraiment cette fragile stabilité, créant de multiples obstacles dans son sillage, notamment ceux qui affectent l’intimité physique et émotive du couple. Pour préserver leur intimité et leur complicité, notamment en temps de crise, les conjoints doivent pouvoir se parler ouvertement de leurs sentiments et de leur vulnérabilité.

Nous sommes un couple très uni et nous avons toujours cru qu’il fallait discuter des questions importantes. Mais pour moi cette expérience était très différente. Pourquoi accabler mon conjoint avec mes préoccupations alors qu’il était atteint d’un cancer et que sa vie était bouleversée? Ma plus grande crainte était de le blesser sans le vouloir. Les semaines précédant l’opération, j’ai refoulé mes émotions, espérant ainsi lui épargner mes angoisses. J’essayais de deviner ses peurs et ses préoccupations, mais mon silence exerçait sur nous une réelle tension. Il m’isolait et m’éloignait de mon mari. Je sentais que nous avions besoin de parler. J’ai appris avec soulagement que Ben était prêt à discuter de sa maladie et qu’il voulait savoir ce qui me préoccupait. En effet, surmonter ces obstacles en ignorant ce que l’autre éprouvait était encore plus difficile. Nous avons discuté calmement de nos peurs à propos de la maladie, d’une rechute possible, de l’incontinence et de la dysfonction érectile, un problème qui pouvait se régler, mais peut-être pas. Notre vie a toujours été enrichie par notre intimité physique et émotive. Comment faire pour nous adapter? En étions-nous capables? Nous étions convaincus que la chirurgie était le bon choix, car elle offrait les meilleures chances de survie et de guérison, ce qui constituait pour nous une priorité absolue. En discutant nous espérions trouver une solution.

Après l’opération et une période postopératoire très mouvementée, nous avons senti, Ben et moi, que notre vie avait subi de profonds changements. La chirurgie nous a rappelé avec force notre vulnérabilité et la rapidité avec laquelle notre vie peut prendre une tangente imprévue. Nous avons appris avec soulagement que les résultats de pathologie étaient excellents et que les risques de rechute étaient faibles. Ben a commencé à reprendre des forces.

Nous avons commencé à examiner sereinement les répercussions émotives et physiques de cette expérience et les effets secondaires qui affectaient Ben. L’intimité physique n’était plus une pratique familière et confortable. L’élément réconfortant de notre relation était en jeu. C’était notre façon d’exprimer notre amour de la vie. Je voulais préserver ce sentiment. Une fois de plus, je me suis surprise à censurer mes pensées et mes sentiments. Je sentais que mon partenaire se sentait fragile et vulnérable. Il avait vécu une si dure épreuve.

Je me souviens d’avoir connu des moments de tristesse en pensant à ce que nous avions perdu et à notre avenir qui allait être modifié. À cela s’ajoutait la crainte d’être incapable de recréer un nouvel équilibre. Il est devenu évident que toutes ces questions, émotives et sexuelles, ne pouvaient être résolues qu’avec le dialogue. Nous sommes ainsi parvenus à nous entraider, à nous encourager mutuellement et à partager nos craintes et nos frustrations.

J’aimerais vous faire part de certains éléments qui ont contribué à nous mettre dans la bonne voie :

Vous devez comprendre que le processus de guérison est long. Les changements physiques suite à la chirurgie peuvent se manifester pendant deux ans ou plus. Mentalement, les conjoints ont besoin de cette période pour s’adapter à ces changements. En l’absence de réponses claires concernant son avenir, le couple doit apprendre à vivre dans l’incertitude. Chaque couple a besoin de retrouver un équilibre qui lui est propre.

Nos conversations nous ont permis de nous entraider et de résoudre certains problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient. Nous ne contrôlons pas les manifestations physiques, mais nous pouvons contrôler nos interactions et le climat émotif. La douceur est tellement importante. Les conversations que nous avions en prenant un verre de vin nous permettaient de nous détendre et de mieux comprendre nos réactions respectives. Ce n’était pas toujours facile de trouver le courage de parler de notre situation et de ce qui ne fonctionnait pas, dans le but d’examiner les autres options.

Voici quelques questions qui ont entraîné des discussions :

Comment te sens-tu et que penses-tu de tous ces changements? Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi? Qu’est-ce qui t’aide à passer au travers? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Qu’est-ce qui a été le plus frustrant ou le plus difficile? Comment est-ce que je peux t’aider? J’ai souvent été surprise de ses réponses, ce qui prouve que même en étant très près de mon conjoint, je ne pouvais jamais être sûre de ses sentiments.

Trois mois après l’opération, nous avons consulté des professionnels de la santé pour examiner les choix thérapeutiques au sujet de la dysfonction érectile. En lisant des rapports à ce sujet, nous avons souvent constaté que les gens attendent un an avant de consulter un spécialiste. Cette initiative nous a certainement aidé à aller de l’avant et à réduire le sentiment de frustration lié à la passivité. Je sentais qu’il valait mieux ne pas avoir d’attentes. Que l’érection soit possible ou pas, nous devions tous les deux l’accepter, sans porter de jugement, sans attentes et sans constat d’échec, c’est tout. Nous devions prendre le temps d’apprécier la présence de l’autre et explorer de nouvelles façons de se donner du plaisir. En deux ans, les changements sont nombreux. C’est une période durant laquelle le couple doit repérer les virages parfois subtils, mais non moins importants.

En terminant, je peux affirmer ceci : même si la chirurgie ne dure que trois heures, le processus de guérison, tant physique qu’émotif, s’étale sur deux ans. Je regarde souvent sa longue cicatrice et je me dis : « Ce n’était pas un rêve. ». Je suis profondément rassurée de constater que nous avons bien tenu le coup. Cette route difficile a été parsemée de larmes et d’angoisses, mais nous avons gardé un bon sens de l’humour qui nous a sauvés à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, je suis heureuse que mon mari soit vivant et plein d’énergie. En effet, la passion et, par-dessus tout, la qualité de vie peuvent survivre à un cancer de la prostate. Nous avons l’intention de vivre ensemble longtemps.

Note de l’auteur
Le cheminement vers la santé physique et mentale est un défi pour le couple. J’aimerais beaucoup recevoir vos commentaires et lire vos histoires. Écrivez-moi à : leah.carson@sympatico.ca

Pour lire le témoignage de Ben, le conjoint de Leah, cliquez ici.

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